Ruines et Détroit, cela sonne comme un cliché. Mais dans l'esprit du musicien Franck Vigroux, les vestiges-vertiges de l'ancienne capitale automobile, devenu le phare brisé de la « rust belt », résonnent, migrent et se recomposent. Pas de mélancolie pour les vieilles pierres, ni de fétichisme post-industriel. Le propos semble d'ancrer la décrépitude dans le cycle du vivant. Une désagrégation exponentielle où le temps outrage en remettant l'homme à sa place de mortel, élevant l'oxydation devant l'éternel. Durant une heure, parfois à fort volume, l'auditeur devra également connecter l'ensemble de ses sens. Une oeuvre totale, convoquant et conjuguant l'image, le son et le corps. Une création qui danse sur la table rase d'un présent oscillant entre dégénérescence et régénérescence. C'est de plein pied dans cet humus de pixels, de chairs et de décibels que Franck Vigroux et la Compagnie d'autres cordes se sont adjoints les talents du vidéaste Kurt d’Haeseleer (croisé chez le metteur en scène Guy Cassiers), de la plasticienne Félicie d’Estienne d’Orves, du dramaturge Michel Simonot, des danseurs-performers Yuta Ishikawa et Azusa Takeuchi...Et pour les fans de rock, la présence à la voix et aux lectures du chanteur Ben Miller, membre du mythique Destroy All Monsters, groupe cultissime de l'underground du Détroit des 70's ; bande de renégats post-dada et pré-punk mêlant noise et crash-tests artistiques qui compta dans ses rangs des artistes de l'envergure de Mike Kelley et même Ron Asheton (Stooges). Bien calés dans nos sièges, il nous est promis du grand spectacle servi sur un plateau mutant. Osons l'expérience de partager cette prise de risque artistique et immergeons dans cette quatrième dimension, accélérateur du temps et centrifugeuse futuriste de particules patrimoniales.