Comment saisir la réalité ? se demande Joël Pommerat tout en n’oubliant pas " qu’il ne faut jamais confondre l’art et la vie ". Dans Les Marchands (3ème Grand Prix de littérature dramatique 2007), il s’attaque avec une grande force poétique à un fait social important et hyper médiatisé : la place du travail dans notre société. Quand certains crient haut et fort « travailler plus pour gagner plus », il nous raconte simplement l’histoire d’une femme, de son mal de dos, de ses rêves, de son travail à l’usine qui la brise de jour en jour, de sa copine au chômage qui voudrait bien travailler …
Il est question dans cette pièce d’aliénation par le travail, de la télé – celle du «temps de cerveau disponible» - qui remplit le vide d’un quotidien auquel seul l’amour peut redonner un sens.
Le travail aliène t-il ?
Murs noirs et rideaux blancs sur lesquels se détachent les personnages un peu en ombre chinoise avec un très beau travail de lumière. Muets, ils sont relayés par une voix off qui ouvre sur l’imaginaire et raconte une histoire terrible et émouvante, celle de nos vies. Ici, le corps prend la parole et le geste devient mot. Joël Pommerat qui travaille depuis toujours avec les mêmes acteurs de la Compagnie Louis Brouillard qu’il a fondée, s’appuie complètement sur eux jusqu’à les faire participer à l’écriture de ses pièces. Les comédiens sont l’alpha et l’oméga de son travail et de son rapport si particulier au théâtre.
Ce « chercheur de théâtre » fait partie de cette nouvelle génération d’écrivains de plateau, celle qui prend toutes les composantes du théâtre à bras le corps - textes et mise en scène - pour livrer au public un étrange objet dramatique fort et sensible. Peter Brook qui a reconnu en lui l’un des siens, l’accueille en résidence dans son théâtre des Bouffes du Nord où il vient de créer Je tremble.
Publié le 11/12/2007