Robert Lotiron (1886-1966), La Poésie du quotidien
Son père le destinant à la reprise de son négoce de dentelles, il effectue, sans engouement des études en Angleterre de 1901 à 1903. Cependant, dès son retour à Paris, il s’inscrit à l’Académie Julian où il fréquente l’atelier de Jules Lefèbvre. Il va se lier d’amitié avec Roger de La Fresnaye et Louis Marcousis. Ses premières œuvres sont marquées par l’impressionnisme, notamment par l’art de Monet. En 1907, il effectue son service militaire à Laon où il rencontre Robert Delaunay qui lui fera connaître Apollinaire, Gleizes, Metzinger et Léger. Libéré en 1909, il effectue un court passage à l’Académie Ranson puis prend son premier atelier. Ces années d’avant-guerre qui vont être décisives dans l’élaboration de l’art moderne sont également pour Robert Lotiron des années d’expérimentations intense. Il hésite encore entre influences impressionnistes, cézanisme géométrique, réminiscences fauves et cubisme tempéré. En 1910, il débute au Salon d’Automne ainsi qu’à celui des Indépendants. Il participe également à d’importantes expositions, entre autres à la deuxième organisée par le « Blaue Reiter » à Munich en 1912. Sa première toile importante Le Tennis lui permet de devenir sociétaire du Salon d’Automne. Le premier conflit mondial vient mettre un terme à ces prémisses. Robert Lotiron est affecté au service automobile chargé du transport de matériel et l’acheminement de troupes. Il effectuera, à ce titre, de très nombreux déplacement dans le Nord de la France. Après l’Armistice, Lotiron intègre l’importante galerie Marseille où il rejoint Segonzac, Luc-Albert Moreau ou encore André Mare. Son style s’affirme à partir des années 1920 dans une combinaison toute personnelle qui mêle le souvenir de la sincérité ingénue du Douanier Rousseau, le sens de la composition, de l’opposition des formes et du rythme des couleurs hérités de Cézanne avec une palette restreinte mais riche de subtils nuances. Il développe alors toute une série de thèmes : vues des berges de la Seine, joueurs de Jacquets, guinguettes, promenade au bord de l’eau, villages d’Île-de-France, travaux des champs mais également ports animés et pavoisés. Ses œuvres, généralement de petits formats mais ne manquant jamais de monumentalité, restituent sans emphase et avec sensibilité le climat d’une époque, d’une France au quotidien. Lotiron évite néanmoins tout pittoresque et toute anecdote, il est peintre avant-tout. En 1921, la galerie Druet lui consacre une première exposition particulière. Lotiron va alors s’imposer comme l’un des paysagistes les plus en vue de son époque. Par l’intermédiaire de Paul Guillaume, le collectionneur américain Barnes fait l’acquisition, en 1923, de quatre œuvres représentatives de son travail. Robert Lotiron sera alors présent dans toutes les grandes expositions mettant en avant l’art indépendant français de cette période. Ses œuvres sont régulièrement acquises par l’Etat et il bénéficie dans les années 30 de plusieurs commandes de décorations murales. Vers la fin de la décennie, son art se fait plus sévère sans renoncer néanmoins au raffinement de la couleur. Après la Seconde Guerre Mondiale, il développe de nouveaux sujets et enrichit ses recherches en abordant la lithographie. Sa vision se fait de plus en plus directe et dépouillée. Cette période est encore jalonnée de nombreuses expositions mais aussi faite d’engagement professionnel, Lotiron étant vice-président du Salon d’Automne à partir de 1945, puis Président en 1962. Il s’éteint le 18 avril 1966. Farouchement indépendant, Robert Lotiron a accueilli « toutes les libertés qui permettent d’augmenter le pouvoir d’expression, modifiant les éléments du tableau ou l’importance des valeurs sans soucis exagéré de la réalité objective. » Ainsi peut-il affirmer au soir de sa vie : « Libre d’engagement, je peins pour mon plaisir et mon tourment. »
Publié le 29/08/2022