A l’heure où Bruno Mantovani qui a été nommé à la rentrée 2010 directeur du Conservatoire national supérieur de musique de Paris, entame sa dernière saison de résidence avec l’o.n.l. et présente le 19 novembre prochain son Livre des illusions, Sortir lui a posé quelques questions…

Sortir : Votre premier souvenir musical ?
Bruno Mantovani : J’en ai plusieurs mais le plus marquant c’est la 5e de Beethoven dirigé par Karajan, vers trois ou quatre ans.

On ne naît pas compositeur, on le devient ?
B.M. Au début, j’ai pratiqué le piano et la percussion où j’étais très bon, et puis j’ai fait le choix de l’écriture. Le travail d’interprétation n’était pas pour moi assez enrichissant et je voulais plus de créativité. J’ai aussi beaucoup pratiqué l’improvisation au piano, ce que je fais encore régulièrement.

Vous avez fréquenté l’IRCAM mais vous avez choisi l’écriture classique ?
B.M. Certes, je travaille avec du papier et un crayon et la lutherie électronique ne m’intéresse pas mais j’aime en intégrer dans mes pièces pour aller plus loin et exprimer mes idées.

Vos influences musicales ?
B.M. Je suis issu d’une vraie tradition classique, Mozart, Schuman… Et je ne pratique pas l’amnésie musicale. J’aime aussi Varèse, Berg, Schoenberg, Berio, Boulez…

Est-ce que diriger un orchestre a changé votre manière de composer ?
B.M. C’est plutôt le contraire. Je suis un chef d’orchestre atypique et parce que je suis compositeur, j’ai une autre approche. Il y a mille manière d’arriver à une interprétation personnelle, mais je préfère écrire.

Où puisez-vous votre inspiration ?
B.M. Souvent dans l’effectif lui-même que ce soit un orchestre symphonique ou un quatuor. Je n’ai pas d’idée préconçue au départ, juste l’envie de faire sonner au mieux les instruments.

Votre langage musical ?
B.M. Je le qualifierai de synthétique. On n’est plus dans la radicalité ni le paradoxe. Je recherche une cohérence, une forme d’unité.

Qu’est-ce qu’une œuvre réussie ?
B.M. Une œuvre n’est jamais réussie, et d’ailleurs réussie pour qui ? Il n’y a pas d’œuvres ratées. Ce qui est parfois remarquable c’est justement les défauts.

De la littérature à la cuisine, vos collaborations affichent un bel éclectisme ?
B.M. Je dirais plutôt gourmandise qu’éclectisme. Il y a toujours une nécessité de se renouveler, de diversifier ses sources d’inspirations. Je suis en ce moment en train d’écrire une œuvre à partir de la 4e symphonie de Beethoven.

Vous abordez votre dernière saison de résidence à l’o.n.l. un premier bilan avant votre prochaine résidence à l'orchestre du Capitole de Toulouse ?
B.M. Des rencontres humaines et musicales multiples très belles et très riches avec les musiciens et le public. J’ai beaucoup aimé les présentations publiques des concerts, qui à chaque fois réunissaient 300 à 400 personnes dans le plaisir du partage et l’enthousiasme du répertoire.

Vos projets lillois pour les mois à venir ?
B.M. Une œuvre gourmande et dramatique qui s’inspire de la gastronomie en 37 parties pour 37 plats. Ce n’est pas un gag mais un travail sensible et profond à partir des sensations.

Quels sont les moyens électroniques que vous utilisez dans votre Livre des illusions ?
B.M. Plusieurs ordinateurs de l’IRCAM qui transforment le son des instruments en temps réel dans un processus que j’ai défini à l’avance.

Vous êtes le nouveau directeur du CNSMDP bien que vous n’apparteniez pas au sérail ?
B.M. Le métier de compositeur a affaire à tous les métiers de la musique. On peut avoir un diagnostic sur la vie musicale en général. Ma nomination renoue avec l’ancienne tradition française qui était de faire diriger le conservatoire par un compositeur. Fauré fut en son temps mon illustre prédécesseur et plus proche de nous Alain Louvier.

Votre rôle de directeur ?
B.M. Je dois trouver des solutions pour que le conservatoire de Paris se développe. En tant que directeur artistique, j’ai un goût pour la musicologie. On va créer par exemple une académie avec Jordi Savall.

Que faîtes-vous quand vous ne faîtes pas de musique ?
B.M. Je vais au restaurant…