On ne peut s’empêcher de rapprocher cet opus de 69 vies de mon père paru en 2006 qui déjà excellait à faire parler les morts et à bouleverser le lecteur avec ces drames de l’enfance qui fondent nos angoisses d’adultes. Dans Monologue, le tragique de la disparition est au cœur du récit ou plutôt l’interaction entre les vivants et les morts. Comment raconter simplement un accident terrible qui fera d’un petit garçon de sept ans un handicapé à vie du bonheur ? Avec de très longues phrases sans majuscule ni point qui halètent jusqu’à nous couper le souffle. Beaucoup de blancs aussi, indispensables pour reprendre sa respiration et ne pas s’étouffer devant tant de détresse. Survivre grâce aux mots qui exorcisent la violence des faits et des émotions. C’est cela aussi l’écriture. Ludovic Degroote signe en une petite centaine de page un long cri polyphonique de douleur lancé successivement par Godeleine, fauchée par la mort à dix-huit ans, le père, la mère et Ludo, le petit frère de Godeleine. Quand un enfant disparaît, c’est toute la famille qui disparaît et la peur qui s’installe, celle de ne jamais arriver à combler – et c’est impossible - ce trou béant de l’absence. Nous sommes ici devant une tentative littéraire de dire l’indicible à partir de ses propres blessures.