Mission balayette

Elle arrive sous les applaudissements, Florence Aubenas, décontractée et souriante. C'est que depuis son triste épisode irakien, elle s'est muée en journaliste populaire... Consécration involontaire d'une carrière marquée surtout par la couverture de nombreux conflits dans le monde, son engagement dans le procès d’Outreau... Une femme de combat donc, reporter passionnée.
C'est donc tout naturellement qu’elle demande un congé sans soldes pour mener enquête, vivre auprès  des premières victimes de la crise : « je savais qu’il y avait du chômage, mais on dit que les journalistes sont coupés de la réalité ». Elle prend la route pour les côtes embrumées du nord de la France, pose ses bagages à Caen. Mission numéro un : trouver du travail…

Première difficulté : dissimuler sa véritable identité. Même si elle conserve son vrai nom, la journaliste s’invente un passé, « sans ressources et sans expérience, je venais de rompre avec mon mari garagiste »... Elle raconte son passage au Pôle Emploi, truffé de clins d’œil humoristiques : « c’était toujours la même rengaine lorsque que j’expliquais ma situation sentimentale, les conseillères me répondaient machinalement "comme tout le monde", et les conseillers me lançaient "pour une plus jeune j’imagine"… » Évidemment. Après de multiples entretiens, elle décroche enfin un contrat, « agent de propreté, et pas technicienne de surface, ça c’était pour la crise précédente… »
La journaliste prend donc le large, direction Ouistreham, et découvre la dureté du nettoyage, à bord des ferrys. Malgré la pénibilité du quotidien, Florence Aubenas crée des liens avec ses collègues, même si elle éprouve un sentiment de culpabilité, car au fond elle sait qu’elle a « une vie de rechange ». Et pose donc noir sur blanc son voyage au cœur de la "France d’en bas"... plus qu’une immersion, une véritable tranche de vie, dont on revient forcément chamboulée.