Louvre-Lens : Animaux Fantastiques

Cheminant des premiers âges de la civilisation jusqu'au monde moderne, l'exposition conçue par Hélène Bouillon déploie un parcours qui explore la relation tumultueuse entre l'humanité et les monstres en quelques 250 œuvres des tablettes primitives aux films contemporains. Dès les premiers âges, l'humanité a projeté ses peurs et donné corps à l'inexpliqué, attribuant à des créatures mythologiques les craquements du ciel et les sursauts de la terre, peuplant les franges d'un vaste monde de monstres en gardant les frontières et les secrets. Bientôt, des héros sont inventés qui se dressent pour dompter les créatures, de la Mésopotamie résonnent les noms de Marduk, Ninurta et d'adversaires comme Assaku, Tiamat ou Teshup, ailleurs ce sont le dieu grec Zeus et ses descendants qui affrontent Typhon ou la Chimère quand le dieu nordique Thor combat Jormungand dans des versions déclinées et bientôt reprises par le christianisme depuis le Léviathan jusqu'aux innombrables saints médiévaux affrontant toutes sortes de reptiles. Sculptures, bas-reliefs ou peintures décrivent ces exploits destinés à frapper l'imagination populaire quand en même temps, on attribue à ces animaux extraordinaires des pouvoirs magiques et leur représentation devient porteuse de symboles. Leurs images ornent les amulettes ou bijoux, gardent les demeures ou les cités.

L'accrochage fait ensuite une place particulière aux dragons, reptiles puissants présents dans toutes les civilisations, tantôt maléfiques et dangereux tantôt figures protectrices. Du serpent africain d'Afrique de l'Ouest au Quetzalcoatl américain en passant par le moushkhoushshou de Mésopotamie, la sélection d'oeuvres magnifiques voyage aux quatre coins du globe et entre les époques, s'attardant évidemment sur le monde occidental et la façon dont la représentation que les artistes donne du dragon évolue avec le temps, de Paolo Uccello à Burne-Jones. De menaces surnaturelles, les monstres deviennent allégories des espoirs et tourments de l'humanité jusqu'à incarner la différence jusqu'à parfois en devenir le porte-drapeau.

Dans ces dernières salles du parcours l'exposition révèle toute sa saveur. L'expansion des savoirs et la révolution industrielle fait reculer la plausibilité de l'existence des créatures imaginées depuis les débuts du monde. Jadis remisées aux confins des espaces inexplorés des cartes, elles survivent désormais à la lisière des imaginaires et des inconscients, espace de liberté infini dans un monde gagné par le capitalisme galopant et que les cultures de l'imaginaire. De Tolkien à l'installation de Maïder Fortuné en passant par de fragiles tablettes mésopotamiennes, dents d'hippopotames sculptées, peintures d'Ingres, Moreau ou Doré, Grand Goule médiévale de Jean Gargot ou singulier cow-boy de Cotton, créations de Harryhausen et jusqu'à Gary Gygax : la sélection d'oeuvres déploie avec intelligence la richesse de l'imaginaire relatif à ces créatures dans un panorama dense et divers à la fois. À savourer à tout âge, sans oublier de profiter de la riche programmation d'activités et animations qui accompagnent l'exposition.