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théâtre

Les Envolées : élans partagées et inspirations communes

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Née des envies convergentes de Stéphanie Bonvarlet et Margot Daudin Clavaud, Les Envolées accompagne les compagnies à l'endroit devenu crucial de la diffusion de leurs spectacles. Un travail exigeant et militant pour un savoir-faire généreux et reconnu. Rencontre avec deux femmes à l'engagement bienveillant.

 

Sortir : Comment est née l'envie de crééer Les Envolées ?

 

Margot Daudin Clavaud : C'est une envie qu'avait Stéphanie Bonvarlet (qui travaillait notamment comme chargée de diffusion au sein de la Compagnie Tourneboulé devenue Les Oyattes) depuis un bon moment de créer une structure à partir de ses compétences. C'est aussi un espace qui nous permet de prendre du recul par rapport à notre activité d'aujourd'hui, de réfléchir à la question de la diffusion, à nos méthodes de travail, de conseiller les compagnies sur leur stratégie.

 

Stéphanie Bonvarlet : C'est venu de la rencontre de deux démarches. J'avais le désir très personnel, après 12 ans en compagnie, de rouvrir le champ des possibles, de monter ma propre structure, avec des valeurs qui soient les miennes, avec un regard spécifique sur la création, la diffusion, sur la profession de manière générale. C'est un désir qui m'a animé pendant plusieurs temps avant de quitter la compagnie. Et puis très lié à Margot puisque nous avions déjà collaboré. En partageant ces problématiques et ces réflexions, on s'est dit qu'on avait des élans partagés et des inspirations communes autour de nos forces et de nos spécificités. Tout cela rencontrait aussi un besoin très fort chez les compagnies qui était que peu de personnes font ce métier aujourd'hui et continuent à s'y former. On s'est dit créons cet outil. On adore ce qu'on fait aussi parce qu'on réinvente. L'idée c'était aussi celle-là : on trouve toujours un moyen de se réinventer dans les manières de faire, dans le fait de défendre les projets, on s'est donc dit : pourquoi ne pas créer cet outil qui nous permettrait de défendre encore plus de projets et de compagnies et à nous nourrir mutuellement de la manière de faire de l'autre ?

 

Sortir : Concrètement quel est le rôle des Envolées ?

 

M. Daudin Clavaud : On accompagne 12 compagnies au long cours, au quotidien. Elles sont très différentes et n'en sont pas au même endroit de leur parcours et de leur évolution, cela génère des charges de travail très variées mais régulières. C'est un accompagnement personnalisé en lien avec leurs besoins. En parallèle, on fait du conseil pour d'autres compagnies de façon plus ponctuelle. Nous souhaitons aussi accompagner de jeunes chargés de diffusion qui arrivent dans les compagnies et qui démarrent sans expérience ni réseau, sans avoir les méthodes ou les outils pertinents. Les Envolées on l'a vraiment pensé aussi comme un espace ressource, un endroit pour réfléchir à nos méthodes, à nos manières de faire pour pouvoir conseiller des artistes ou des chargés de diffusion.

 

S. Bonvarlet : Le bureau existe depuis un an et demi et c'est vrai qu'aujourd'hui nous sommes sollicitées à des endroits de rencontre, sur les rapports entre programmatrices et chargées de diffusion dans les compagnies, sur les manières de travailler entre les différents acteurs de la culture... C'est pour nous un pari gagné, parce que c'est ce qu'on voulait à travers ce bureau. On se retrouve à un endroit de médiation essentiel entre les structures et les artistes. Et on reçoit énormément de demandes.

 

Sortir : Dans ce contexte, comment sont choisies les équipes avec lesquelles vous travaillez ?

 

M. Daudin Clavaud : C'est vraiment par affinité artistique, humaine, relationnelle. Nos compagnies ont vraimet des univers très différents, on veille à ce que leurs esthétiques ne se court-circuitent pas.

 

S. Bonvarlet : On prête également attention à travailler avec des compagnies à différents endroits de leur développement : des compagnies émergentes, des compagnies conventionnées. Les approches sont très différentes et on veille vraiment à cet équilibre-là. On a aussi imaginé cet outil dans un modèle économique de solidarité interprofressionnelle : les compagnies qui démarrent paient moins cher que celles qui ont des années d'existence en fonction de leur chiffre d'affaires, de façon à ce que le tout soit viable pour tout le monde. Cette année, on donne aussi un coup de pouce à deux compagnies. A partir du moment où on est viable économiquement on a aussi voulu ce bureau comme un moyen de partager notre expertise et notre expérience en renfort du montage d'un projet, sans que la question financière ne se pose pour l'instant. Il est aussi très important pour nous de défendre des projets dans lesquels nous croyons, après 15 ans dans le métier et une vraie curiosité en tant que spectatrice, il y a des projets qui nous plaisent et d'autres moins.

 

M. Daudin Clavaud : En ce sens, il y a presque une direction artistique des Envolées. Nous sommes convaincues des projets qu'on défend, chacune accompagne ses compagnies mais nous eouvrons ensemble au pilotage des Envolées. On fait aussi des rencontres, on prend part à des formations et on continue à toujours réfléchir sur nos métiers et la place qu'on a dans le travail d'une compagnie. Tout en réfléchissant ax mutation d'un secteur devenu très concurrentiel, traversée d'enjeux écologiques, de circulation des œuvres de bien-être au travail. Participer à ces réflexions-là nous intéresse et nous anime beaucoup.

 

Sortir : Ce travail, cette démarche, participent-ils aussi d'une forme de militantisme, d'engagement ?

 

S. Bonvarlet : Travailler avec différentes compagnies ayant différentes démarches nous stimule aussi beaucoup, permet de développer d'autres compétences. C'est accélérateur et enrichissant d'être à cet endroit de confluence entre artistes et structures. Cela résonnait aussi avec le fait qu'on soit femmes de 35 ans.

 

M. Daudin Clavaud : Le miliantisme a aussi une part forte dans notre travail quotidien, dans les newsletters que nous partageons chaque mois avec notre réseau. Et c'est une chose qu'on ne pouvait pas forcément porter avant au sein d'une compagnie. Nous défendons aujourd'hui une parole au sein des Envolées. Nous avons posé des valeurs communes mais qui nous sont propres. Tout en restant au service des compagnies. Il y a aussi une part de militantisme dans le fait qu'on prend bénévolement une heure par semaine pour rencontrer des artistes pour leur donner un petit coup de main.

 

Sortir : Le travail de la diffusion, particulièrement sensible dans le parcours d'un artiste et de ses créations a-t-il évolué avec la crise sanitaire ?

 

S. Bonvarlet : La situation est plus tendue. Après le Covid, les théâtres ont reçu beaucoup d'aide et les compagnies ont pu globalement traverser cette période. Ensuite, il y a eu d'énormes problèmes d'embouteillages dans les spectacles et les créations. Certaines compagnies ont été épargnées et d'autres pas du tout hélas. Des spectacles nés pendant la crise sanitaire se sont éteints quasiment dans la foulée, malgé la qualité des projets, parce qu'ils n'ont pas eu la visibilité qu'ils méritaient. Aujourd'hui, les enjeux écologiques, la baisse des moyens et quelques embouteillages (on nous renvoie parfois déjà sur la saison 24-25 alors que nous ne sommes qu'en décembre 2022), la hausse des frais de fonctionnement dans les lieux a aussi un vrai impact sur les moyens consacrés à la programmation et aux spectacles, il y a enfin une énorme surproduction de spectacles suscitée par les aides de la DRAC, des la Région et autres institutions qui pousse à la création mais par ailleurs les enveloppes se réduisent pour accompagner la production et la diffusion.

 

M. Daudin Clavaud : La création est très valorisée dans notre secteur au détriment de la diffusion d'un répertoire ou du financement de phases de recherche créative ou de projets de territoires. Il y a une hiérarchie qui met aujourd'hui la création au-dessus de tout et ça ne correspond pas vraiment aux besoins actuels. Je pense qu'il faudrait ralentir les rythmes de création et valoriser la diffusion de projets de qualité qui existent déjà.

 

 

Sortir : Est-ce difficile d'exister dans les circuits de diffusion auprès des structures ?

 

M. Daudin Clavaud : Nous avons la chance d'être connue auprès des programmateurs et programmatrices et des salles, ça nous permet de bénéficier d'une écoute particulière. D'autant que nous représentons de nombreuses compagnies, ce qui est intéresant pour eux aussi dans le sens ou nous pouvons leur présenter des projets et des formats très différents.

 

S. Bonvarlet : Ce sont aussi des métiers qui sont confrontés à beaucoup d'enjeux. Nos partenaires les plus anciens nous disent qu'ils passent de plus en plus de temps à remplir des dossiers de subventions de plus en plus complexes, à gérer des questions de fonctionnement, à devoir rendre des bilans ou à cocher des cases. Il ya quelque chose qui se tend aussi à ce niveau-là. Ils disposent de moins de temps pour l'artistique et la programmation, pour voir des spectacles et rencontrer des équipes. Parfois, il faut passer beaucoup de temps à les relancer parce qu'ils sont débordés.

 

M. Daudin Clavaud : Le fait qu'on soit moins nombreux aujourd'hui dans les compagnies comme dans les structures crée des frustrations. Ne pas pouvoir faire son travail dans les meilleures conditions, ne plus pouvoir consacrer de temps à du repérage et à la découverte de nouveautés pousse aussi certains à rester dans ce qu'is savent faire et n'aller que vers les artistes qu'ils suivent. Ce manque de temps, lié largement au manque de personnel, devient un véritable enjeu complexe en ce qu'il peut éloigner du cœur de ces métiers.

 

Sortir : Quelles perspectives pour Les Envolées ? Accompagner plus de structures, les accompagner mieux, crééer d'autres temps de rencontres ?

 

S. Bonvarlet : On ne veut pas être un catalogue de propositions même si, par la force des choses, nous rassemblons plusieurs propositions artistiques. Ce qui constitue une aide au repérage pour les structures et les partenaires qui nous font confiance. L'idée c'est surtout de prendre soin des relations que nous avons chacune avec nos compagnies. Et puis, avec Margot, on a très envie de développer l'outil. On se rend bien compte qu'en étant sollicitées pour des rencontres ou des formations, on aimerait nous aussi être dans les écoles que nous avons pu faire pour transmettre une formation directe auprès des étudiants. A notre époque, nous n'avons jamais été formées, ou très brièvement. On se rend bien compte que la diffusion, la production est un rouage essentiel aujourd'hui, même au sein des écoles d'art dramatique. C'est un champ que nous aimerions développer mais nous manquons aujourd'hui cruellement de temps pour cela. Il nous paraît important de pouvoir partager notre savoir auprès des futurs jeunes comédiens, mais aussi dans les lycées. Et puis on espère respirer un peu, les choses ont démarré très fort depuis un an et demi, mais on tient aussi à prendre le temps de réfléchir à notre démarche.

Publié le 14/12/2022 Auteur : Propos recueillis par Guillaume B.

Bureau Les Envolées, bureaulesenvolees.com

 


Mots clés : Diffusion Les envolees