La Contrainte

Attachée avant tout à la force des mots, Anne-Marie Storme adapte le texte de Zweig sur une scène presque dépourvue de décor, comme des distractions malvenues pour éloigner de la force du texte. Très peu retravaillé, sinon pour en expurger un vocabulaire parfois daté historiquement, le texte prend vie dans la bouche et le corps du duo Cédric Duhem-Anne Conti, respectivement artiste rappelé à ses devoirs militaires par un courrier administratif et son épouse, désireuse de l'empêcher à tout prix de partir combattre. En contrepoint, interlocutrice, narratrice ou accompagnatrice, Stéphanie Chamot, rythme de sa musique et de sa voix ce duel intime.

S'ils résonnent forcément avec l'actualité, les mots de l'auteur y revêtent aussi une portée plus large, dénonçant la froideur des administrations déshumanisantes, la brutalité des guerres inutiles, des frontières superflues et les chauvinismes nationaux rétrogrades. Mais la pièce, entre les dialogues de Zweig, l'ambiance amenée par la musique et le mouvement, porte aussi l'engagement amoureux et la force presque révolutionnaire qu'il confère à l'épouse, questionne la place des artistes et la confrontation vertigineuse entre obéissance et liberté. Pour autant, plutôt que le lier à l'actualité Anne-Marie Storme tire le tout vers une universalité transversale, essentielle et nourrissante.