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Bruno Girveau – un nouveau directeur pour le Palais des Beaux-Arts de Lille

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Chef du département du développement scientifique et culturel et responsable des expositions à l’Ecole des Beaux-Arts de Pari, des collections, des éditions et de la politique des publics, il dirige maintenant le Palais des Beaux-Arts de Lille depuis mars 2013.

 

Sortir : Quelles sont les raisons qui vous ont fait choisir la voie de l’histoire de l’art et du patrimoine ?

Bruno Girveau : Je viens d’une famille modeste dans laquelle on n’avait pas la pratique des musées, un peu plus celle du patrimoine. Ma mère était institutrice et il y avait quelques livres très généralistes d’histoire de l’art dans la bibliothèque. Je me suis plongé dedans à l’adolescence et cela m’a beaucoup captivé. Je m’amusais à reproduire à la gouache des tableaux dont parfois je ne connaissais même pas les auteurs. Je rêvais de devenir musicien rock ou dessinateur de bande dessinée plutôt qu’historien de l’art.
 
Sortir : Enfant, vous avez beaucoup fréquentés les musées ?
B.G. : Pendant mon adolescence j’ai assez peu fréquenté les musées puis ensuite beaucoup, à partir du moment où j’ai fais des études d’histoire de l’art. Autant que l’histoire de l’art, c’était l’image qui me fascinait. La civilisation occidentale dans laquelle nous vivons est une civilisation de l’image. Mais nous croulons aujourd’hui sous une avalanche d’images qui nous conduit à avoir des difficultés à les reconnaître et à les analyser.
 
Sortir : Y a t-il une œuvre dont vous vous souvenez particulièrement et qui a été à l’origine de votre intérêt pour l’art ?
B.G. : Curieusement c’est une œuvre très peu connue du grand public, celle d’un peintre allemand du XIXe siècle, Adolphe Menzel. C’est un tableau réaliste que j’ai reproduis plusieurs fois. Sinon le vrai choc visuel ce sont les impressionnistes. Malgré l’érudition que l’on acquiert ensuite comme historien de l’art, j’ai toujours gardé une affection particulière pour certains peintres impressionnistes et notamment Monet. Ces œuvres ont conditionnés mon intérêt pour l’histoire de l’art et ma vocation dans ce domaine.
 
Sortir : Vous avez commencé votre carrière du côté des Monuments Historiques ?
B.G. : Oui, car en réalité, ma véritable discipline, c’est l’histoire de l’architecture. Ce qui m’a conduit assez naturellement à travailler sur le patrimoine dans une conservation régionale des Monuments historiques en Ile de France. Je faisais partie des « documentalistes recenseurs  des Monuments Historiques », c’est à dire ceux qui établissaient les dossiers pour déterminer si un monument méritait ou pas de devenir un monument historique.
 
Sortir : Conservateur de musée, c’est un métier que l’on exerce par vocation ?
B.G. : J’ai longtemps rechigné à devenir conservateur car je voulais être artiste. Même si j’ai fais de l’histoire de l’art par défaut, je me suis passionné pour cette discipline. Mais j’ai longtemps pensé que je ne serai pas conservateur car cela ne m’intéressait pas. Et puis à partir de 35 ans la question s’est posée. Je commençais à devenir un historien de l’art correct mais j’étais toujours aussi mauvais musicien et dessinateur. Alors j’ai pris un congé sabbatique et j’ai préparé le concours de conservateur que j’ai réussi. J’ai ensuite intégré l’Ecole nationale du patrimoine.
 
Sortir : Quel est le rôle du conservateur, ses joies et ses peines ?
B.G. : La première raison pour laquelle j’ai accepté d’être un conservateur, c’est la proximité et le privilège extraordinaire d’être en contact direct avec les œuvres, et parfois si l’on travaille sur la période contemporaine, avec les artistes. En tant que conservateur nous assurons la préservation et la transmission aux générations futures des collections dont nous avons la charge.
Du côté des peines, j’en ai assez peu connues. Mais ne pas trouver les moyens de mettre en œuvre un grand projet dont on a rêvé est toujours une déception. Au fil du temps, la part du travail administratif et financier s’alourdit, même si l’on est très appuyé par le musée. Elle peut être à certains moments un peu pénible pour un historien de l’art.
 
Sortir : Pourquoi avoir postulé à Lille après une carrière entièrement parisienne ?
B.G. : Il a fallu que je vienne à Lille pour me rendre compte que ma carrière était entièrement parisienne. Il se trouve que les postes dont j’ai eu envie se sont présentés dans quatre arrondissements parisiens. Je suis provincial d’origine, j’ai vécu au Moyen Orient et même si j’ai passé 30 ans à Paris, que j’ai adoré, je n’ai jamais eu l’impression d’être tout à fait parisien. J’ai eu envie de venir à Lille parce que c’est un magnifique musée et une magnifique collection. Cela correspondait à un moment où j’éprouvais de manière salutaire, le besoin d’aller voir ailleurs. Il y a un vrai ethnocentrisme parisien qui fait perdre avec le temps l’idée qu’il y a autre chose ailleurs. Lille est un centre fort et dynamique sur le Nord de l’Europe dont les parisiens n’ont pas idée.
 
Sortir : Sur quel projet avez-vous été recruté par la Ville de Lille ?
B.G. : Sur un projet d’élargissement des publics. Démocratiser la culture et y intéresser le public le plus large est une profession de foi qui a cours à Lille depuis longtemps. Il se trouve que depuis une douzaine d’années c’est aussi ma ligne en tant que commissaire d’exposition. J’ai envie de rendre accessible au plus grand nombre, encore plus qu’il ne l’est – je n’ai pas la prétention de tout changer - le Palais des Beaux-Arts. De le rendre plus vivant et d’avoir une programmation d’événements qui tienne compte des pratiques actuelles. C’est plus facile à dire qu’à faire mais je vais essayer en introduisant la musique et d’autres formes d’art. Il faut élargir les disciplines, regarder du côté de l’ethnologie, de la sociologie, parler d’art différemment.
 
Sortir : Vous avez monté dans vos postes précédents beaucoup d’expositions très diversifiées, quelles sont vos envies pour Lille et son musée ?
B.G. : A partir du moment où j’ai accepté d’être conservateur et historien de l’art, je me suis posé la question de ce que j’avais vraiment envie de faire. L’histoire de l’architecture est une vraie passion mais avec la meilleure volonté du monde, on touche quelques milliers de personnes.
Comme je viens d’une culture populaire, j’ai eu envie de tisser des liens entre la culture populaire et la culture savante et j’ai donc travaillé dans ce sens à partir des années 2000. La première exposition au musée d’Orsay était, A table au XIXe siècle, un sujet sur lequel je travaille depuis quelques années, notamment sur l’histoire des premiers restaurants en Europe. J’ai ensuite fait une autre exposition qui a fait plus de bruit dont le titre était Il était une fois Walt Disney, qui montrait les sources artistiques des films des studios Disney. J’avais la volonté délibérée de parler d’une forme d’expression populaire, le dessin animé, et de montrer qu’elle avait des racines savantes parce que les artistes recrutés par Walt Disney étaient pour partie des artistes européens formés dans les académies avant d’émigrer aux Etats-Unis. Plus récemment dans le même ordre d’idée, j’ai fais une exposition autour du jouet au Grand Palais qui s’appelait Des jouets et des Hommes. Une approche esthétique mais aussi sociologique et anthropologique du jouet.
Je ne vais pas refaire ici les mêmes choses mais l’esprit est là : comment arriver à trouver des sujets plus universels qui permettent de traiter des questions qui peuvent parler plus facilement au grand public.
 
Sortir : Quelle sera la première exposition de Bruno Girveau au Palais des Beaux-Arts de Lille ?
B.G. : La première exposition personnelle qui fait partie de mon projet pour le Palais des Beaux-Arts et qui a beaucoup séduit est autour de la joie de vivre.
Il se trouve que dans ma vie de programmateur au Grand Palais, le lieu le plus important en France en matière d’exposition, j’avais beaucoup défendu en 2005 un projet dont ne voulait pas la Réunion des Musées Nationaux, c’était celui de Jean Clair Mélancolie, génie et folie en Occident.
Je me suis dit à l’époque, un jour il faudra faire le pendant, donc, la joie de vivre. Montrer que l’art est la traduction de l’hédonisme, qu’il peut nous aider à vivre et à être heureux. Particulièrement dans la période actuelle où nous avons toutes les raisons de douter de l’avenir. Il faut garder confiance car l’art est aussi du coté lumineux de la vie. Cette exposition aura lieu à l’automne 2015 dans le cadre de la prochaine saison de Lille 3000 qui aura pour thème « French Renaissance » et où sera développée l’idée que malgré l’impression ambiante de déclin, on peut trouver en France et ailleurs des motifs d’envisager l’avenir avec plus de confiance et de se réjouir.
 
Sortir : Que dîtes-vous à ceux qui à Lille ou ailleurs ne vont jamais au musée ? 
B.G. : Je pense qu’il faut que nous leur proposions quelque chose qui leur donne envie de venir. Le maître mot c’est l’envie que doit ressentir le public pour aller au musée. On va dépenser 10 euros pour une place de cinéma mais pas pour aller au musée. Dans les expositions Walt Disney et Des jouets et des hommes, 50% des visiteurs n’avaient jamais mis les pieds dans un musée. C’est sur cette piste que je vais travailler.
 
 

 

 

Publié le 20/06/2013 Auteur : Propos recuellis par Françoise Objois en mai 2013


Mots clés : expos