Le comédien-chroniqueur à l'oeil pétillant, arbore une moustache fière et s'exprime dans un français impeccable avec un fond d'accent flamand des plus délicieux. Quand il évoque son parcours, il se fait modeste, balayant comme s'il s'agissait d'une peccadille ses années de succès (ininterrompu depuis 1997) sur les planches de Flandre et des Pays-Bas. Un succès qui lui a offert des tribunes désormais régulières dans les médias belges, aussi bien flamands (De Morgen ou la Radio 1 de la VRT) que francophones (la RTBF entre autres) et un point de vue unique sur l'actualité et la situation de son pays.
« Un vrai travail, qu'il faut accomplir quotidiennement, parce que ça implique de lire la presse et de suivre l'actualité dans les deux langues. Les flamands et leurs voisins francophones n'ont pas les mêmes rythmes et pas les mêmes centre d'intérêt. Se tenir au courant de ce qui se passe et se dit de part et d'autre implique une vraie gymnastique ! ». Et un effort linguistique que tous ne sont pas prêts à fournir...

Motivé, l'ami Bert pousse même jusqu'à adapter et jouer en français un de ses spectacles : la Flandre pour les nuls. Gros succès au festival international du rire de Rochefort en 2009, en tournée depuis et de passage à Mouscron ces jours-ci. Un vrai exercice de style qui rencontre depuis un public curieux mais auquel il faut s'adapter. « Les mêmes blagues ne font pas rire les flamands et les wallons. Les tournures de phrase sont différentes et les références différentes. Si en Wallonie, on a plus le regard tourné vers la France, en Flandre, ce n'est pas du tout le cas... » constate-t-il. Avec Bruno Coppens, autre orfèvre des mots, il a donc travaillé à adapter un spectacle qui, à sa façon, en dit beaucoup sur la Belgique contemporaine et sa difficulté à se trouver une dynamique commune, « et ça dure depuis un certain temps ! » ajoute Bert Kruismans.

Car Bert Kruismans, possède bel et bien un regard de vue unique que les journalistes belges ne possèdent pas souvent. « Les uns et les autres ne s'intéressent qu'à leur communauté et peu franchissent la barrière de la langue. Pour preuve, il n'existe aucun média commun aux deux parties du pays... » explique l'humoriste. Sa différence, il la cultive volontiers, indique aimer le public des zones frontalières (entre Flandre et Wallonie notamment) « parce qu'on y trouve souvent des 'mariages mixtes' et que les salles y sont un peu plus bigarrées ». Le spectacle, un brin caustique, asticote les uns et les autres sur leurs habitudes, incitant surtout à une plus grande curiosité mutuelle. « Ce qui est drôle, ajoute le comédien, c'est qu'à un moment dans le spectacle, j'incarne le roi des Belges. Et bien, les réactions à ce moment-là sont très différentes dans les deux communautés, ce qui prouve qu'il reste des efforts à faire ».

Parler autrement de l'actualité, une envie forte qu'il prolonge à travers une série de billets et de colonnes dans différents médias à travers toute la Belgique. Une façon de garder un œil sur la marche du monde et de nourrir la réflexion pour de prochains spectacles avec l'envie de franchir encore plus de frontières et de jouer des salles françaises aux planches néerlandaises. Une démarche et un talent... uniques.