ERIC MONBEL - Autour de la "Grande Guerre"
La peinture d'Eric Monbel révèle une véritable fascination pour la guerre, et plus précisément pour les deux guerres mondiales, pour autant qu'elles se sont déroulées sur notre sol et qu'elles restent suffisamment proches pour que nous en gardions des stigmates très marqués.
Ces guerres nous touchent encore, ne serait-ce que dans une mémoire vive, et c'est manifestement ce qui intéresse le peintre, en fait personnellement pris dans cette mémoire en raison de son histoire familiale. La fascination pour la guerre recèle d'ordinaire un goût morbide pour la violence qui s'y déchaine sans frein, pour le sang qu'elle fait couler à flots, et pour la mort qu'elle dispense sans compter. Rien de tour cela chez Eric Monbel, ses brancards l'attestent lumineusement. Ce sont certes des brancards militaires, il s'inscrivent en conséquence dans le contexte de la guerre dont ils éveillent inévitablement le spectre, mais paradoxalement pour se référer au secours, aux soins, à la sollicitude, et non pas au cortège d'atrocités auquel on songe inévitablement dès lors que la guerre est évoquée.
Les brancards d'Eric Monbel nous rappellent ainsi cette évidence pourtant souvent occultée: Il n'y a pas de guerre sans blessés, et par suite sans leur prise en charge par leurs camarades qui leur portent secours parfois au péril de leur vie; les tueurs (à l'égard de l'ennemi) sont également pleins de sollicitude, d'humanité, voire de tendresse (à l'égard des compagnons d'armes). La guerre, paradoxalement, ne révèle pas seulement de l'atroce violence des hommes dressés les uns contre les autres, mais tout aussi bien de leur profonde humanité qui trouve là, assurément, matière à s'exercer.
Bichat définissait la vie comme "l'ensemble des fonctions qui résistent à la mort". Les brancardiers, au sein même de l'enfer de la guerre, sont incontestablement au service de la vie. Leur fonction est bel et bien de resister à la mort, de tenter d'arracher les bléssés d'une mort sinon inévitable, dans des conditions d'ailleurs le plus souvent atroces (...)
Extrait de "Les Brancards d'Eric Monbel: la vérité en peinture" de Gilles Lévêque, 2017
Publié le 23/08/2018