Ciné-Débat : Le retour de Martin Guerre

Littérature & Cinéma ★ Le retour de Martin Guerre de Daniel Vigne
La soirée commencera par une présentation du film « Le retour de Martin Guerre » (Daniel Vigne, 1982) par Thibaut Maus de Rolley (Associate Professor, University College London, Faculty of Arts & Humanitie). La projection sera suivie d'un débat sur la vie quotidienne dans la France rurale du XVIe siècle et le fonctionnement de la justice.
Thibaut Maus de Rolley est professeur associé à University College London, spécialiste de la littérature française moderne et comparée des XVIe et XVIIe siècles. Ses recherches portent sur l'étude de la fiction narrative, du droit et de la littérature, de l'histoire de la sorcellerie et de la magie et cherchent à redéfinir les frontières de ce qui est habituellement considéré comme « littérature » et « connaissance » en défendant la centralité, dans la culture du début des temps modernes, de textes, de sujets et de personnages négligés et souvent marginalisés. Son dernier ouvrage, Moi, Louis Gaufridy, ayant soufflé plus de mille femmes. Une confession de sorcier au XVIIe siècle (Paris, Les Belles Lettres, 2023), présente une étude du procès du prêtre marseillais Louis Gaufridy (1611), une affaire de sorcellerie et de possession démoniaque.
Le film « Le Retour de Martin Guerre » est l'adaptation libre d'un ouvrage publié en 1561 par le juge Jean de Coras sur l'affaire Martin Guerre qu'il avait instruite (Jean de CORAS, Arrest memorable, du parlement de Tolose, Contenant une histoire prodigieuse, de nostre temps, avec cent belles, & doctes Annotations, de monsieur maistre Jean de Coras, Conseiller en ladite Cour, & rapporteur du proces. Prononcé es Arrestz Generaulx, par Antoine Vincent, à Lyon, 1561).
Martin Guerre revient dans son village après avoir quitté sa famille pendant plusieurs années. Même s'il a connaissance de nombreux détails sur sa vie antérieure, il est accusé d'usurpation d'identité après trois années passées auprès de son ancienne famille lorsqu'il est confronté à l'oncle de Martin Guerre pour une affaire d'héritage. L'affaire est jugée en première instance à Rieux, puis en appel à Toulouse en 1560. Michel de Montaigne lui-même fut témoin de ce procès :
Je vis [...] un procès que Corras conseiller de Toulouse fit imprimer, d'un accident étrange : de deux hommes qui se présentaient l'un pour l'autre. Il me souvient (et ne me souvient aussi d'autre chose) qu'il me sembla avoir rendu l'imposture de celui qu'il jugea coupable si merveilleuse et excédant de si loin notre connaissance, et la sienne, qui était juge, que je trouvai beaucoup de hardiesse en l'arrêt qui l'avait condamné à être pendu. (Essais, III, 11).
Cette affaire suscite un vif intérêt dès cet époque, succès jamais démenti comme en témoignent les nombreuses adaptations littéraires et cinématrographiques.
La présentation du film et le débat permettront d'envisager et de questionner la vie rurale au XVIe siècle, et notamment la place de l'épouse qui tantôt soutient l'homme mis en cause, tantôt dénonce son imposture, prise entre l'influence du curé du village et la joie de vivre avec son époux retrouvé ou encore le fonctionnement de la justice royale et les arrêts prononcés.
Publié le 07/11/2023