Chris Talldark Chante Mouloudji

À l'école, on apprend aux enfants la chanson Gentil coquelicot, ce coquelicot qui ne chante pas le matin, mais dont le nom évoque le coq ! Curieux rapprochement entre le chant et la crête en lesquels se lit la fierté du gallinacé. Il est la coqueluche de la basse-cour, et tout homme comprend que cela peut faire son bonheur. Il n'en rougit ni de confusion, ni de timidité.
Dans une autre chanson, Brassens, lui, se moque du coquelicot, lui préférant la primevère. Peut-être était-il un peu jaloux que grâce à cette même fleur, Mouloudji soit devenu la coqueluche des auditrices en les brossant dans le sens des feuilles et des pétales... Peut-être Brassens avait-il souffert d'une mauvaise coqueluche, cette maladie dont les Chinois disent qu'elle dure cent jours ! Pauvre chanteur... Plus sérieusement, l'idéal de la femme-fleur devait énerver le poète qui considérait l'amour comme une rencontre dans laquelle il ne demande pas la main de l'aimée. Il savait qu'il n'y a pas d'amour heureux au point d'effacer le dernier vers d'Aragon : Mais c'est notre amour à tous deux.
Mouloudji, dans ses chansons, rêvait de l'amour idéal, sans trop y croire... Il aimait séduire avec sa voix, un peu comme un coq. Un ami qui venait d'écouter le premier enregistrement de Comme un petit coquelicot, lui téléphona pour lui dire qu'il était un ton trop haut. Il fit alors arrêter la diffusion du 78 tours et recommença l'enregistrement. Il aimait être aimé, avait besoin d'être dominé. Il espérait qu'il y aurait en France ou ailleurs une femme qui s'endormirait en écoutant sa chanson. Cela aurait suffi à son bonheur...
Publié le 23/01/2023