C'est toujours un peu dangereux de s'attacher à qui que ce soit
Questionnant les codes du théâtre jusqu’à l’absurde et embarquant le public dans un délire mégalomane, le duo se livre à une exploration des processus de narration, de la mise en place d’une empathie factice envers les personnages, à l’investissement émotionnel des comédiens-eux-mêmes dans leur jeu.
Taquinant joyeusement les spectateurs, pour mieux célébrer le lien créé au théâtre entre un plateau, ses personnages, ses acteurs et le public, C’est toujours un peu dangereux de s’attacher à qui que ce soit est une farce moderne et subtile. Elle interroge le pouvoir, celui de savoir manipuler les émotions, déformer le reflet tendu à la société.
Tous les acteurs le savent : il n’y a pas de mauvais public, il n’y a que de mauvais spectacles. Tous, sauf Eno Krojanker et Hervé Piron (leurs personnages, à tout le moins), qui inversent le paradigme avec humour et finesse, cherchant à apprendre aux spectateurs comment devenir un « bon public ».
Avec une jubilation pour l’absurde et l’autodérision, les compères jouent à esquisser jeux de pouvoir, de désir et de frustration que peut charrier tout rapport avec l’autre. Prenant pour point de départ une histoire d’enfance à la fois tragique et anecdotique, ils chatouillent les clichés de l’artiste narcissique et questionnent le rapport scène-salle. Empathie, voyeurisme, conditionnement ? Et si, tout compte fait, le théâtre tenait plus de la dictature que d’une belle et grande famille ?
Auteurs et interprètes de leur travail, leur écriture flirte allègrement avec l’autofiction. Le duo joue alors avec d’autant plus de malice retorse et pince-sans-rire à déplier les artifices et la « magie » du théâtre. Traversée d’un bout à l’autre d’un second degré désarmant de vérité, la pièce questionne la manipulation des émotions et la tentation de la dictature par le spectacle. Un thème toujours profondément actuel.
Publié le 25/03/2022