Wilde Westen : musiques de sauvages ?

Wilde Westen c'est donc ce nouveau vaisseau amiral qui appréhende la chose musicale par ses multiples facettes, y compris les plus escarpées et méconnues. Le sauvage de Wilde Westen est donc à entendre sous son acception de liberté, d'aventure et de défrichage. Aucune hostilité, bien au contraire l'ouverture est de mise. C'est ainsi que l'équipe d'explorateurs de la fameuse salle de musiques actuelles De Kreun a rejoint l'équipe Wilde Westen, sans pour autant faire rentrer sa programmation dans un quelconque rang. Se positionnant au croisement « de l'art sonore, de la musique contemporaine, du jazz, de la musique classique, de la pop et du rock » cet activateur culturel ambitionne de faire entendre sa généreuse différence sur le territoire de l'Eurométropole Courtrai-Lille-Tournai, par le biais de festivals, évènements et concerts. Le tout dans une dynamique de réseau avec les acteurs locaux et transfrontaliers comme il se doit.
Ce qui pourrait être une simple profession de foi prend corps et sens dans le Festival de Flandre Courtrai. Si le nom est de facture classique, son contenu est plus ébouriffé. Pour cette édition 2017, les organisateurs puisent dans la pensée grecque antique pour questionner le présent. L'initiation d'un cycle prévu pour durer 5 ans qui se déclinera autour des thématiques suivantes : la terre, l'air, le feu, l'eau et l'éther.
Objectif terre pour cette année. En dix rendez-vous, chacun pourra mettre une musique sur ce concept ouvert. En inaugurant le festival avec l'ensemble Muziekpublique pour le concert Refugees for Refugees, les organisateurs envoient un signal fort sur la question des migrants, la richesse des cultures extra-occidentales et les périls de l'exil.
Auf Wiedersehen par Musicbanda Franui & Wim Opbrouck est une création contemporaine autour du passage terrestre. Une mise en regard de l'éphémère de l'existence humaine et du répertoire, en chahutant les immortels : Mahler, Schubert, Schumann, Mozart.
Coupler la symphonie n°9, dite du Nouveau Monde de Dvorak à Terra Memoria pour orchestre à cordes de Kaaija Saariaho, le tout sous la direction de la jeune chef Elim Chan, voilà une proposition pas si extra-terrestre que cela pour l'Orchestre National de Belgique.
Le concert du pianiste Julien Libeer en compagnie du Moleenbeek Kid's Choir promet d'abattre bien des préjugés sur la capacité émancipatrice de la musique classique. Plus que de l'action culturelle, de la culture en action.
Vluchtweg est une balade sonore dans la campagne de Sint-Denijs. Un peu comme aux Nuits Secrètes, trois escales où sera question d'opéra, de jazz, de musiques anciennes, d'orient, d'occident...Dialogues, correspondances, résonances et nouvelles renaissances enthousiasmantes, entre racines et jeunes pousses.
On retrouve cette capacité à extraire le contemporain du séculier dans le travail remarquable de l'ensemble vocal Graindelavoix. Textes et musiques de Beckett, Josquin, Lassus, Gombert, Sheppard s'articulent dans une œuvre chorale dans une création polyphonique autour du sommeil qui devrait nous habiter sur le long terme.
Dans un programme classique-contemporain autour d'Erik Satie, Jürg Frey et John Cage ; Guy Vandromme, Olalla Alleman et le Akhtamar String Quartet raviront les adeptes de la délicatesse, de l'épure et du minimalisme. Le tout dans le cadre propice à la méditation, conçu par l'architecte Souto de Moura, du crématorium de Courtrai.
L'accordéoniste Philippe Thuriot arrange pour son instrument Le Tombeau de Couperin, composé par Maurice Ravel. Son programme inclut également le De Profundis de Sofia Gubaidulina et sa propre composition Le Tombeau de la Terre. Un concert autour du recueillement à travers les âges, la permanence des étreintes existentielles et le grand désordre des choses.
L'histoire du monde en deux heures...Programme ambitieux qui ne rebute pas le compositeur multi-instrumentiste Dick van der Harst. Du Big Bang au big band, Dick van der Harst convoque le philosophe Michel Serres et le professeur Freddy Decreus à harmoniser leurs pensées avec le sextuor Massive Central. Une exploration musicale éclatée pas vraiment terre à terre.
Enfin la performance Mars II du compositeur Karl Van Welden et du pianiste Frederik Croene devrait nous plonger au cœur d'une création à hauts risques, à la recherche d'une musique altérée par l'aléatoire. Quand l'altérité fait la différence.
Loin d'être une démonstration tapageuse, ce temps fort ne gonfle pas les muscles mais nourrit la réflexion et la curiosité des mélomanes de tous horizons. Un paradis musical ancré dans l'actualité mais qui invite à se projeter bien au-delà du principe de réalité.