Vie de voyou

Au travers d'une scénographie simple mais efficace entre salle de rédaction et plateau de télévision, journalistes, policier, avocate, juge, animateur télé et délinquant se croisent pour donner, en trois temps, un aperçu de la vie d'un voyou singulier. Ni hagiographie, ni portrait à charge, la pièce de Jeanne Lazar se place ailleurs, éclairant les raisons du basculement dans la criminalité, scrutant les emballements médiatiques qui façonnent le regard sur un braqueur repenti et sujet parfait pour les débats et les articles de presse. En poussant le principe à l'extrême (sur scène, Faïd est l'invité d'un talk show), le spectacle déploie cette logique de surmédiatisation à l'extrême. Devant les caméras, tout le monde devient victime, Faïd se perd dans sa volonté d'exister dans la construction d'une image fantasmée (forgée par d'autres images, du cinéma celles-là), les acteurs du débat judiciaire rétrécissent leurs échanges entre postures et bons mots, et les policiers n'y font figure que de témoins impuissants dans une arène dont seul un cynique animateur semble tirer son épingle du jeu... et devant lui, un public placé, presque malgré lui dans un rôle de voyeur. En décalant la perception au travers d'un glissement du personnage de Faïd, finement incarné, Jeanne Lazar interroge subtilement le rôle du regard, dans un théâtre qui éclaire avec pertinence les plaies d'une société gouvernée par le spectaculaire. La musique, d'abord discrète, de l'orgue accompagne ce vrai-faux biopic tout aussi pertinemment, entre grandiloquence et solennité.