Nous sommes en 1806 à l’hospice de Charenton et « le divin marquis » vieillissant lit en voix off son testament… Voilà comment aurait commencé le film où Marlon Brando aurait tenu le premier rôle. Le film n’a jamais été tourné mais vous venez d’entreprendre la lecture du dernier livre de l’écrivain, photographe, plasticien et cinéaste Alain Fleischer qui porte ici à la connaissance du public un travail déjà ancien qui ne vit jamais le jour. En conclusion de l’ouvrage, l’auteur s’explique d’ailleurs sur les péripéties qui l’ont finalement conduit à s’éloigner du cinéma et en profite pour esquisser un autoportrait en cinéaste.

La figure extrême et sulfureuse de l’aventurier libertin qui résume toute les autres est ici présentée sous de multiples facettes. Une première partie dédié à l’analyse littéraire du sadisme convoque Michel Foucault, Roland Barthes, Jacques Lacan, Philippe Sollers et quelques autres qui se sont intéressés à Sade et à qui Alain Fleischer fait référence pour tenter de comprendre pourquoi Sade le débauché, qui passa trente ans de sa vie en prison, fait toujours polémique. Sexe, jouissance, libertinage et cruauté, rien n’arrête ce transgresseur qui a depuis longtemps séduit Alain Fleischer.
En seconde partie, place au scénario d’un film qui se déroule au fil des pages où l’on croit apercevoir Fragonard, Boucher ou Watteau invités à brosser le décor des nombreuses fêtes plus que galantes que Donatien Alphonse François donnait en Provence en son château de Lacoste aujourd’hui en ruine. Dans ce palais des plaisirs, on sodomise à volonté, on fouette, on blasphème sans vergogne et on résiste au pouvoir établi car Sade fut sans aucun doute le plus célèbre précurseur de la devise anarchiste « ni Dieu, ni maître ».