Entre Détroit et Tanger, Adam, écorché vif et musicien de son état, regarde le temps passer. Il va retrouver Eve, son amante avec qui il entretient une relation passionnée et spirituelle depuis des siècles. A peine les deux êtres réunis, la jeune sœur de Ève fait irruption dans le quotidien du couple. Son tempérament impulsif va leur jouer des tours...

Quand Jim Jarmusch s'adonne au film de vampires, il le fait avec la portée d'un esthète et l'esprit d'un rêveur. Adam et Ève (ça ne s'invente pas) ne sont pas de ces suceurs de sang qui traquent leurs victimes à longueur de film pour étancher leur soif. Ce n'est pas tant le frisson de la chasse et la dimension horrifique qui intéresse Jarmusch que la fuite du temps et les états d'âme de ses héros. Millénaire, le duo a tout vécu et ressasse le passé. Comme Adam, dont l'appartement évoque plus un mausolée où s'entassent les souvenirs. Métaphore d'une société de consommation en perte de repères, Only Lovers Left Alive pose un regard sur un monde corrompu à travers les yeux de ce couple d'immortels rassasié, mais qui doit paradoxalement subvenir à ses besoins en sang. Tom Hiddleston, très flegmatique et Tilda Swinton, encore plus diaphane que d'ordinaire, livrent une interprétation habitée qui renforce l'atmosphère crépusculaire et élégiaque qui enveloppe le long-métrage, traversé de fulgurances rock. Ses héros alanguis impriment le rythme du film qui ressemble au fond beaucoup à son réalisateur et laisse un souvenir impérissable.