Partant des œuvres de l'artiste présentes dans ses collections grâce au travail de Roger Dutilleul et Jean Masurel (soit quelques dessins, 6 peintures et une sculpture de marbre), le parcours proposé par les trois commissaires de cette exposition (Sophie Lévy, Jeanne-Bathilde Lacourt et Marie-Amélie Senot) retrace la courte vie d'un artiste qui sut côtoyer nombre de ses confrères tout en construisant un style et une esthétique sans pareils. C'est que, lors de son arrivée à Paris en 1906, fraîchement exilé de son Italie natale, l'artiste entend d'abord devenir sculpteur. Ses recherches et sa curiosité pour les arts égyptiens ou khmers influenceront durablement son travail, ce que montre fort justement une première partie d'exposition riche qui confronte le parcours de l'artiste à ses recherches et ses influences.

La santé fragile de Modigliani le contraindra cependant à abandonner la sculpture pour la peinture à laquelle il s'adonnera intensivement par le biais de nombreux portraits consacrés à ses camarades artistes croisés dans le Paris de l'époque. Outre qu'il y affine sérieusement son travail des visages, brossés en quelques traits simples, cette période est l'occasion d'une rencontre avec le foisonnement d'une époque où les artistes de multiples origines se croisent dans la France en guerre. Diverse, cette partie de l'exposition croise les travaux de Modigliani et de ses confrères, pour donner à voir une démarche très collective.

L'étape finale de ce voyage dans l'oeuvre de l'artiste déroule les travaux réalisés entre 1916 et 1920, notamment les peintures réalisées dans le sud-est quand Modigliani s'installe à Cagnes et Nice. Les couleurs de fond permettent d'y admirer des peaux contrastées aux teintes rosées et aux yeux énigmatiques, souvent pleins. Ces regards à la fois profonds et absents restent la plus grande originalité du travail d'un artiste fasciné par l'harmonie des courbes et des traits. Pédagogique, le parcours proposé par l'exposition, outre qu'il permet de découvrir 120 œuvres (dont plus d'une centaine de Modigliani lui-même) manque cependant d'une vision forte, préférant rester dans une sage démarche chronologique à laquelle un point de vue finit forcément par faire défaut. Pour autant, L'oeil intérieur mérite le détour, ne serait-ce que parce qu'il offre une occasion rare de contempler autant d'oeuvres d'un artiste encore marquant près d'un siècle après sa disparition.