L'architecture et le sacré

C'est l'histoire d'un homme qui, dans une galerie d'art, tombe sur une petite peinture représentant un intérieur d'église apparemment anodin. Fasciné par la régularité de la représentation autant que par le témoignage qu'elle constitue d'une époque révolue, l'homme n'aura dès lors de cesse de rechercher et collecter patiemment nombre de tableaux flamands et hollandais représentatifs d'un genre quasiment obscur mais capable de s'avérer pourtant passionnant. C'est le pari fait par Sandrine Vézilier-Dussart, directrice du Musée de Flandre, quand elle découvre l'existence de cette collection et propose à leur propriétaire de les exposer à Cassel, tout en en profitant pour y adjoindre deux œuvres pour le coup très moderne du prolifique Wim Delvoye.

De banal, le voyage au cœur des églises tantôt réelles, tantôt fantasmées par les peintres se fait alors passionnant retraçant en creux l'affrontement de deux doctrines religieuses fin XVI^ème et tout au long du XVII^ème siècle : celle du catholicisme et celle de la réforme protestante qui bientôt vont séparer en deux les provinces-unies. Aux uns la sobriété aux autres le faste, chez tous, une même exigence dans la représentation de l'architecture... et de la vie de l'époque. Si la scénographie joue avec les codes volontiers austères du symbolisme religieux, c'est pour mieux faire place à la multiplicité des détails représentés dans les quarante-cinq tableaux, témoignages d'une pratique artistique, vecteurs d'un message religieux et traces d'une évolution historique aujourd'hui plus précieux que leur intitulé ne le laisse d'abord à penser. Toujours travaillé par la spiritualité, Wim Delvoye questionne à sa façon l'imaginaire religieux : en un double crucifix façon anneau de Möbius, fascinant ruban infini doré et poli et, dans un nautile-cathédrale dont la spirale de flèches interminables cherche à toucher un ailleurs inatteignable. Deux quêtes éternelles réunies par le musée pour un parcours inattendu et passionnant.