Sortir Bordeaux Gironde : Au commencement, il était un projet...
Nicolas Lescombe (chef d'orchestre du Josem) :
L'Orchestre est issu du regroupement des différentes écoles de musique de village nées avec l'élection de Mitterand dans les années 80, afin d'apporter un certain dynamisme culturel et occuper les jeunes dans les campagnes, et notamment l'Entre-deux-Mers. L'idée, c'était de créer une espèce d'orchestre-école où l'on pouvait rentrer au collège (à condition d'avoir dèjà une certaine pratique) pour le quitter généralement à la fin de ses études, pour de nouveaux horizons professionnels. Moi par exemple, j'ai connu l'Orchestre gamin, lors de sa création en 1988 : peu à peu, le truc a grossi autour d'un certain noyau de musiciens restés ensemble jusqu'à 20 ans. On ne connaissait rien à la musique classique, on a tout appris ensemble, en même temps qu'on traversait l'adolescence, ses fêtes et tout ce qui va avec. Et aujourd'hui, ce sont nos petits frères qui forment l'Orchestre.

Sortir : Comme un air de famille...
N. Lescombe :
Dès la troisième année, on est tous partis avec l'Orchestre en voyage en Crète : ça a soudé le groupe et depuis, chaque année, on se fait un voyage. C'est hyper important pour l'Orchestre de se retrouver dans ces conditions : on joue mieux après s'être brossé les dents ensemble, c'est évident. Dernièrement, ça a été la Russie à travers une rencontre internationale : on s'est retrouvé au beau milieu de la Sibérie avec trois orchestres russes, un orchestre polonais et un autre roumain, dans une pièce immense avec de la musique dans tous les sens, sans savoir parler un mot de russe... pourtant, une fois les musiciens mélangés, les frontières ont laissé place à l'échange, sans non plus de problèmes de mixité sociale. C'est aussi que dans un orchestre, du triangle au violon solo, tout le monde a son importance.

Sortir : Pour quel impact culturel au niveau local ?
N. Lescombe :
Par le biais du Josem, c'est sûr, beaucoup de jeunes ont pu faire de la musique, certains même ont fini au conservatoire ou en ont fait leur métier (luthier, animateur...). Mais pour autant, cela reste en grande majorité des enfants dont les parents ont une certaine situation, déjà plus ou moins initiés à la musique... l'Orchestre n'a pas vraiment touché les populations profondément rurales. Un vide que l'on essaye de combler à travers une multiplication de concerts, dans les écoles ou les villages : ainsi, on a joué dans des endroits où des personnes n'avaient jamais vu d'orchestre symphonique. L'idée, c'est de jouer un peu partout, écoles, festivals, églises, et même pour des associations humanitaires. Là, il y a action.

Sortir : On parle chez vous d'un répertoire à la fois classique et plutôt insolent...
N. Lescombe :
La base, c'est de parcourir tout le répertoire, baroque, romantique et moderne. Des choses que tout le monde connaît, comme Les noces de Figaro, mais aussi des oeuvres inattendues, moins connues, histoire de découvrir de nouvelles choses, les adapter aussi. Moi, je viens d'une musique plutôt rock, chanson française, une éducation plutôt roots quoi... ça me paraît logique de faire des arrangements, encouragés par les gens croisés à Luxey ou dans les autres festivals auxquels on a pu participer. Le but c'est d'essayer d'explorer tout ce qu'on peut faire avec un orchestre symphonique : on aime bien les provovcations, genre intégrer du chant, pas forcément adapté aux plus jeunes... mais la jeunesse sur scène, c'est une boule de feu ! Autre exemple avec Mozart interprété de façon, pour certains, pas très académique : on s'est retrouvé à partager cela à la campagne avec des punks, des rockeurs, des jeunes, des vieux, qui dansaient autour de nous comme s'ils dansaient sur du patchouli ! Et même si à la base, il y a un travail sur l'oeuvre, sérieux, en profondeur, tout en respectant les limites du genre.

Sortir : Ça donne aussi quelques collaborations marquantes, comme avec La Rue Kétanou.
N. Lescombe :
Les collaborations, c'est pareil, ça part d'une rencontre : avec Mourad (de La Rue Két'), c'était vers 3 heures du mat', en festival, un peu éméchés : on a commencé à délirer, leur manager était là, a tout noté et puis nous a rappelé derrière pour monter un truc. Quelques bouffes, quelques répétitions et on est parti avec eux aux Francofolies. Le genre de projet qui se monte grâce à une ouverture d'esprit dans les deux sens, une certaine audace aussi de leur côté, pour confier leur musique à des amateurs.

Sortir : Des amateurs qui, aujourd'hui, courent les festivals...
N. Lescombe :
Même si on s'est retrouvé aux Franco, on continue à se battre pour rester amateur. Le Josem reste une association entièrement gérée par les jeunes, qui gèrent la trésorerie, prennent leurs décisions, choisissent les festivals où se produire, les projets dans lesquels s'impliquer... c'est leur orchestre ! Cette année par exemple, c'est un projet avec Bart Picqueur, un compositeur contemporain belge, autour d'une musique qu'il a écrite pour nous. Un fonctionnement qui permet également un confort inédit pour le chef d'orchestre en terme d'apprentissage, car chez eux, le "ne veut pas" n'existe pas. C'est aussi pour ça que l'on se retrouve dans des projets un peu fous...