De Godon à Matisse : le monde en couleurs
Au-delà de la simple valorisation des œuvres du peintre né au Cateau-Cambrésis, le musée Matisse a toujours su maintenir fort le lien entre l'héritage de Matisse et les artistes modernes, prolongeant l'influence d'un artiste majeur au travers de nombreux prolongements. En évoquant avec Alain Godon la thématique du voyage, Patrice Deparpe, conservateur du musée, fit preuve d'autant d'intuition que de perspicacité. Au fil du parcours, les œuvres réalisées spécialement pour cette exposition par Godon déploient un univers visuel coloré, nourri du parcours de Matisse et explorant une belle diversité de techniques. Comme le voyage accomplit par Matisse en 1930 alors qu'il a 60 ans et cherche à renouveler son inspiration, Godon a fait le voyage à Tahiti.
Nourri de sa propre expérience américaine, il donne à voir une architecture urbaine affranchie des lois de la perspective, colorée, remplie de symboles et de saynètes quotidiennes. Comme Matisse, le trait de Godon s'éloigne du réalisme au profit d'une poésie colorée et évocatrice donnant à la mégapole new-yorkaise une apparence proche de l'enchantement ressenti par le peintre à son arrivée sur place. De la statue de la Liberté au Chrysler Building, les marqueurs forts du paysage local sortent même du cadre sous la forme d'un visage souriant, d'un étonnant rapace miroir, des silhouettes d'un banc et d'un lampadaire ou d'un singulier taxi de sable.
C'est cependant aux antipodes que le dépaysement se fait plus intense et le rapprochement avec Matisse plus grand. Godon, nourrit des mêmes couleurs, déploie toiles dont les formes et les couleurs évoquent notamment les papiers collés du maître. Tortues de mer et poissons volants, en cadre ou en trois dimensions : l'installation déploie un univers dépaysant envahis de créatures en forme d'autant d'hommages au maître. Les écailles y sont des feuilles et les carapaces cachent des paysages urbains, Godon invite à un jeu de piste malin et ludique qui cumule dans une installation en plusieurs plans invitant le visiteur à décaler son regard, un peu à la manière de la technique du bildoreliefo imaginée par l'artiste qui permet de décliner une toile en variant le fond ou l'éclairage. Invitation au voyage inventive autant que respectueuse, la proposition de l'artiste et du musée prolonge joliment le travail de Matisse en jouant à décaler, transformer et colorer le monde. Alain Godon dit travailler la couleur et la gaieté pour distiller un peu de bonheur dans le monde. Dans les pas de Matisse, il y parvient parfaitement.
Publié le 04/12/2017
New York – Tahiti, l'architecture du rêve
Jusqu'au 4 mars 2018
Musée Matisse, Palais Fénelon, place du Commendant Richez au Cateau-Cambrésis
Tél.03.59.73.38.00