Ce voyage, que vous contez dans À l'auberge de l'Orient (Transboréal, 19,90€), comment auberge2.jpgl'avez-vous pensé ?

J'avais 22 ans, résident à Lille depuis toujours, je suis partie étudier, en sciences politiques, deux ans en Grande-Bretagne. Mais ça ne me suffisait pas, j'avais envie de voir le monde ! J'ai choisi l'Asie centrale, encore inconnue du grand public, donc peu de touristes, et des occasions d'échanges vrais. Cette région m'intéressait politiquement, issue de l'ancien régime soviétique (sauf pour l'Iran), elle est passée en 1991, de grande puissance mondiale à pays en voie de développement. Et puis, je voulais parfaire mon russe. Devant l'inquiétude de mes parents, je m'interroge : en tant que femme, seule, comment me préserver d'éventuels dangers ? Je vais aller dans les cuisines, lieu de prédilection des femmes où les hommes n'ont pas leur place. Cela m'a permis de pénétrer l'intimité des familles, et d'être protégée. Chaque jour, je rencontrais de nouvelles personnes, qui m'apprenaient les recettes traditionnelles, même si les premiers pas se sont faits à tâtons : première étape, à Bakou, en Azerbaïdjan, on me présente un chef cuisiner moderne, « revisitant » la cuisine traditionnelle ! Après une semaine, je suis partie à l'aventure, vers le nord ouest du pays ; dans le bus, je me suis rendu compte qu'une femme blonde, grande, du Nord, interpellait. Ils s'adressent à moi en russe, surpris que je leur réponde, et me disent, « viens, je vais t'apprendre une recette ! » Voilà comment je suis entrée dans l'intimité des familles des différents pays traversés. Manger, un besoin vital partout dans le monde, donnant lieu à la ritualisation des repas, c'est très codé, dans le monde entier. Faites unauberge16.jpg barbecue avec vos amis, les femmes discutent dans la cuisine en coupant les légumes, tandis que les hommes font griller la viande en buvant de la bière ! La cuisine, c'est très révélateur de la culture, on découvre énormément de choses sur une civilisation portées par les habitudes culinaires. Je me suis laissée vivre ces coutumes locales, en respectant les codes. J'ai été une éponge 6 mois durant, oubliant ma nationalité française, les acquis féministes, et le mode de pensée européen, pour traduire cette vision différente, plus multiple de la vie des femmes en Asie centrale.

 

Une façon de vous démarquer des autres livres ?

Des récits de voyages, il en sort des dizaines tous les mois, et puis, les jeunes partent en Erasmus, leurs parents prennent l'avion, les voyages ne sont plus quelque chose de complexe, relevant de l'aventure, plus rien à explorer ou à découvrir ! En tant que femme,auberge13.jpg j'ai voulu apporter un regard nouveau sur une partie du monde peu connue, et comment y vivent les femmes, facette que personne ne connaît. Comment cuisinent, et vivent une jeune femme à Téhéran, une Tadjik des hauts plateaux, une jeune Kazakh de la scène underground d'Almaty, rencontres sincères, moments intimes.

 

Votre livre vient juste de paraître... Était-ce difficile d'être publiée ?

L'épreuve du feu ! Premier livre ! J'ai 26 ans, j'aime écrire, c'est la première fois que des inconnus vont me lire, une grande excitation ! Avant de partir, je me suis adressée au groupement des éditeurs du Nord-Pas de Calais, à la Condition Publique, qui m'a expliqué que jeune, sans contacts dans le milieu, et jamais publiée, ma seule chance résidait dans la présentation d'un manuscrit au retour, et qu'un éditeur ait un coup de cœur. Je suis partie, j'ai pris des notes, et j'ai goûté au plaisir du voyage. Au retour, j'ai repris des études d'entrepreneuriat social à Paris, avec un travail à mi-temps dans une ONG pour les financer... Peu de temps libre, j'ai pris des congés pour écrire. Au salon du livre parisien, deux ans et demi après mon retour, je me suis munie du prologue de mon ouvrage et des trois premières pages pour rencontrer les éditeurs : si je n'arrivais pas à en convaincre un avec cela, jamais je n'arriverai à convaincre le lecteur ! Je ne voulais pas envoyer de manuscrit froid et attendre, mais rencontrer quelqu'un avec qui je puisse m'entendre, ayant les mêmes sensibilités. C'est ce qui s'est passé avec le responsable des éditions Transboréal, un écrivain-voyageur lui aussi, et qui connaît bien la région lilloise. Il a accroché, m'a acheté un dico, et j'ai retravaillé mon ouvrage... Et voilà !

 

Un ouvrage-voyage que vous présenterez à la Librairie Autour du monde ce vendredi :

J'ai envie de partager ce voyage, de dire « allez voir le monde », et pas via la culture mondialisée que l'on reçauberge15.jpgoit, ou les hôtels standardisés, mais de façon plus humaine. Faites la démarche d'aller voir de l'autre côté du voile. Il ne faut pas avoir peur de ces femmes en tchador à Wazemmes, mais oser aller leur parler, pour découvrir certainement des personnes extraordinaires. Il faut s'ouvrir à d'autres, même s'ils semblent fermés. Voilà ce dont on pourra discuter le 20 mai à la librairie. Et puis, dans les 28 recettes que j'ai mises en fin d'ouvrage, je piocherai pour faire la cuisine. Pour au-delà des mots, découvrir les saveurs de l'Asie centrale. L'entrée de la conférence est libre, tout le monde est bienvenu, pour passer un bon moment, d'échange, convivial, de partage...

 

comme dans les cuisine d'Asie centrale. Alléchant !